Déconstruire les stéréotypes en redonnant au twerk sa voix

Le Twerk est bien plus qu’une simple danse associée aux tendances populaires contemporaines. Les origines du twerk sont profondément enracinées dans l’histoire, la culture et les luttes des peuples afro-diasporiques.


SAMEDI 1er MARS 2025 à la Rotonde à Paris, je vous propose un talk immersif qui vous fera voyager à travers les multiples dimensions du Twerk. Nous explorerons cette danse à la croisée de l’héritage culturel, de la résistance politique, de la guérison collective et de la célébration identitaire.

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un mouvement de libération face aux oppressions

Dans un monde marqué par l’héritage du colonialisme et de l’esclavage, le corps noir et des corps racisés ont été stigmatisé, réprimé et instrumentalisé. Pourtant, il reste un puissant outil d’expression et de résilience.
Issu des traditions africaines et afro-diasporiques, le Twerk se place comme un acte de libération, défiant les stéréotypes et revendiquant un espace pour l’existence, la joie et la liberté.

Introduction : Les danses traditionnelles africaines

Dans la vidéo qui suit, on peut voir l’évolution de la danse traditionnelle africaine du passé au présent.

La danse Makossa ( Cameroun )

On y voit deux danseurs : l’un habillé de manière traditionnelle, en pagne et tissu africain, l’autre dans une tenue moderne, avec chemise et short. Ce contraste montre comment l’urbanisation et la mondialisation ont transformé les pratiques culturelles, entraînant la perte de certaines traditions. Toutefois, ces transformations ont également mené à une créolisation des danses contemporaines, fusionnant gestes et rythmes traditionnels avec des influences modernes. Ces danses modernes sont le produit d’une culture postcoloniale, où des mouvements ancestraux réapparaissent, réinventés dans des contextes contemporains tout en préservant leur lien avec les racines du passé.

Les danses traditionnelles africaines, qu’elles viennent du Nord du Sahel ou des régions forestières du Sud, ont en commun une connexion avec la culture, la spiritualité et la communauté.

Cependant, chaque région possède ses propres spécificités en matière de mouvements du bassin et de leur signification, ce qui permet de mieux comprendre le Twerk dans un contexte plus large.

1. Danse et mouvement du bassin en Afrique du Nord

Dans les danses traditionnelles d’Afrique du Nord, comme celles que l’on voit dans la vidéo, l’accent est mis sur des mouvements de bassin maîtrisés et expressifs, souvent accompagnés d’un foulard pour accentuer ces gestes. Ces danses sont associées à des rituels festifs, des célébrations de la féminité et des événements communautaires comme les mariages. Bien qu’elles impliquent des mouvements du bassin, elles sont loin d’être perçues comme provocantes ; elles sont un langage corporel symbolique ancré dans la tradition.

2. Les danses sahéliennes et leur rapport au bassin

Les danses Peuls ou danses Mandingue ( Burkina Faso )

Dans la région sahélienne (Mali, Niger, Burkina Faso, Sénégal, etc.), les danses font aussi un usage marqué du bassin, mais avec des énergies différentes. Par exemple, dans les danses des Peuls ou des Songhaï, les mouvements peuvent être plus fluides et aériens, parfois combinés avec des déplacements gracieux. En revanche, dans certaines danses mandingues ou wolof, le bassin est utilisé de manière plus rythmique et dynamique, souvent en réponse aux percussions. Ces danses ont souvent une fonction sociale et initiatique, servant à marquer des étapes de la vie (puberté, mariage, etc.).

Par exemple ici cette danse dynamique originaire du Sénégal le Sabar​, fait partie des racines du Twerk, avec ses mouvements de hanches et de fesses prononcées :

Danse Sabar ( Sénégal )

Cette vidéo de Sabar (danse Wolof) illustre parfaitement la dimension traditionnelle et culturelle de cette danse. On y voit des enfants danser avec leur bassin et leurs fesses, des mouvements naturels profondément ancrés dans leur héritage. Ici, il n’y a aucune trace d’hypersexualisation : ce sont des danses rituelles, des gestes instinctifs transmis de génération en génération. Ce qui m’a frappée, c’est à quel point nous sommes loin de l’image du Twerk que l’Occident véhicule aujourd’hui. Dans le Sabar, ces mouvements ne sont ni provocants ni sexualisés, mais font partie intégrante d’un langage corporel qui appartient autant aux enfants qu’aux adultes. À travers ce choix de vidéo, je veux montrer que ces danses ont une histoire, une fonction et une profondeur qui dépassent largement la vision déformée qu’on en donne aujourd’hui.

Dans cette vidéo, deux danseuses d’origine nord-africaine exécutent une danse traditionnelle mettant en valeur l’articulation du bassin. Contrairement aux perceptions modernes qui associent ces mouvements à la séduction, ils ont ici une signification culturelle et spirituelle profonde. Présente lors de cérémonies comme les mariages et les fêtes, cette danse célèbre la féminité, la joie et le lien avec les ancêtres. Le foulard autour de la taille accentue les mouvements tout en ajoutant une dimension symbolique. À travers cette vidéo, je veux montrer la richesse de cette tradition et souligner la différence avec l’interprétation contemporaine de ces gestes.

3. Les danses forestières du Sud et l’intensité du mouvement

En mode Gbégbé en pays Bété ( Côte d’Ivoire )

La danse BT, ou danse Bété, fait partie des traditions culturelles des peuples Bété, une société du groupe Krou de l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Cette danse est intimement liée aux rituels et cérémonies communautaires, notamment lors des fêtes, des célébrations collectives et des rites de passage. Elle peut être pratiquée lors de mariages, de fêtes communautaires, de récoltes ou de cérémonies spirituelles.

Les danseurs, souvent vêtus de costumes en fibres végétales naturelles, tels que le raphia ou des feuilles de bananier séchées, utilisent leurs mouvements de bassin et de hanches pour exprimer des émotions, des histoires ou des messages spirituels. C’est un moyen d’affirmer l’identité culturelle et de rendre hommage aux ancêtres. La danse BT est aussi un moment de cohésion sociale, où la communauté se réunit pour célébrer et renforcer ses liens.

Dans certains cas, elle peut aussi être associée à des rites de guérison, d’appel à la pluie ou de protection. Ces cérémonies servent à maintenir l’harmonie et l’équilibre au sein de la communauté.

Le Bikutsi ( Cameroun )

Cette vidéo montre un couple de danseurs, un homme et une femme, exécutant une danse traditionnelle vêtus de costumes réalisés à partir de feuilles végétales naturelles. Leurs mouvements sont fluides et harmonieux, avec des ondulations corporelles accentuées, notamment au niveau du bassin. Les danseurs synchronisent leurs gestes, faisant également intervenir les bras et la tête pour renforcer l’expression de la danse. Ces mouvements, ancrés dans les traditions communautaires, sont profondément symboliques et illustrent la connexion à la nature et aux ancêtres. La danse, réalisée dans une parfaite synchronisation, incarne une cérémonie rituelle, alliant esthétique et signification culturelle.

En descendant vers les régions forestières d’Afrique centrale et de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Cameroun, Congo, Guinée, etc.), le travail du bassin devient encore plus accentué et explosif.

Certaines danses, comme celles des Bété, Baoulé ou Ekang, se caractérisent par des vibrations intenses des hanches et des secousses du bassin en synchronisation avec les tambours. Ces danses, souvent associées aux rites de fertilité, aux cérémonies de passage et aux célébrations communautaires, mettent en avant une puissance corporelle brute qui se rapproche beaucoup de ce que l’on observe aujourd’hui dans le twerk.

Les Tueuses du Mapouka sont un groupe de danseuses ivoiriennes spécialisées dans le Mapouka, une danse traditionnelle de Côte d’Ivoire connue pour ses mouvements rapides et maîtrisés du bassin. Originaire du peuple Ebrié, le Mapouka était à l’origine une danse rituelle et communautaire, utilisée pour célébrer des événements importants et exprimer la joie. Avec le temps, cette danse a évolué et a gagné en popularité, notamment dans les années 1990, où elle a été médiatisée comme une danse festive et spectaculaire.

J’ai choisi cette vidéo parce que dans leur clip, les Tueuses du Mapouka (danse Mandingue) mettent en avant toute la richesse et l’énergie de cette danse ancestrale. On les voit exécuter des mouvements de bassin rapides et précis, en parfaite synchronisation avec les percussions, qui jouent un rôle essentiel dans la dynamique du Mapouka. Le cadrage met en avant leur maîtrise technique et la puissance de leur expression corporelle, soulignant que cette danse est bien plus qu’un simple divertissement.

Les costumes des danseuses rappellent les tenues traditionnelles africaines, souvent composées de pagnes colorés noués autour des hanches pour accentuer le mouvement. Leur gestuelle et leur attitude traduisent un mélange de défiance, de fierté et de célébration, des éléments essentiels du Mapouka originel.

Les tueuses du Mapouka

L’importance culturelle du Mapouka


Avec ce clip, les Tueuses du Mapouka revendiquent leur héritage culturel et participent à la préservation d’une danse qui a souvent été controversée en raison de son expressivité corporelle. En effet, le Mapouka a parfois été censuré ou mal compris, réduit à une simple danse provocante, alors qu’il s’agit avant tout d’un art chorégraphique codifié avec une grande importance dans la culture ivoirienne.

La danse Mapouka ( Côte d’Ivoire )


À travers leur performance, ces danseuses montrent que le Mapouka est un symbole de liberté d’expression, de fierté et de puissance féminine. Elles s’inscrivent ainsi dans une dynamique où les danses africaines retrouvent leur place légitime, loin des stéréotypes occidentaux qui les réduisent à des gestes hypersexualisés.
Leur clip est donc bien plus qu’une simple démonstration de danse : c’est une affirmation culturelle, un hommage aux racines du Mapouka et une célébration du corps en mouvement dans toute sa force et son authenticité.

4. Les danses d’Afrique du Nord

J’ai mentionné, le Mapouka de la Côte d’Ivoire et bien d’autres danses ancestrales ​d​u continent africain mais il ne faut surtout pas oublier les danses traditionnelles d’Afrique du Nord.






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5. Le lien avec le twerK

Le twerk, dans sa forme moderne, trouve ses racines dans ces traditions africaines. Le travail du bassin, l’ondulation, la rapidité des mouvements et leur signification sociale sont présents dans les danses traditionnelles sahéliennes et forestières bien avant que le twerk ne devienne populaire en Occident.

Cependant, en dehors de l’Afrique, ces mouvements ont souvent été vidés de leur essence culturelle et perçus uniquement sous un prisme hypersexualisé.
En comparant ces différentes traditions, on voit que le mouvement du bassin a toujours existé sur le continent africain sous des formes variées, chacune avec ses propres codes et significations. Alors que dans les cultures africaines, ces danses sont souvent collectives et intégrées à des rites, le twerk tel qu’il est popularisé aujourd’hui est souvent isolé de son contexte d’origine et réduit à un simple mouvement suggestif.

En mettant en avant les danses traditionnelles comme celles de la vidéo, je veux justement rappeler cette connexion et montrer que le bassin n’est pas qu’un outil de séduction, mais un moyen d’expression puissant, ancré dans des siècles de transmission culturelle.

Si on compare les vidéos montrées ci-dessus, vous pouvez observer des danses traditionnelles africaines, des danses profondément ancrées dans les cultures africaines et afro-diasporiques. Ce sont des danses qui ancrent le mouvement du corps, l’expression culturelle chargée de sens, de tradition et de spiritualité. Chaque geste, chaque mouvement de hanche raconte une histoire, un héritage transmis de génération en génération, porteur de valeurs de résistance, de guérison et de célébration collective.

Ci-dessous, la reproduction de ces mouvements dénaturés et hypersexualisés

Kylie Jenner Twerk

Vous voyez Kylie Jenner, emblématique de la culture populaire, effectuer un Twerk dans un maillot de bain. Ce Twerk est une version hypersexualisée et déconnectée de son origine. Bien qu’il ressemble superficiellement par le tremblement succinct des fesses aux danses de fertilité, dans ce contexte, il est dépouillé de tout contexte culturel et transformé en une simple performance esthétique. Le Twerk, souvent réduit à un produit de consommation dans les médias, est largement approprié par des figures extérieures à la culture afro-diasporique. Le Twerk moderne est ainsi dénaturé, perd son sens profond et ses origines de résistance. Pire encore, les précurseurs de ces traditions et cultures sont totalement effacés, invisibilisés, jamais mentionnés, stigmatisés, et réduits à de simple vulgaires figures. Aujourd’hui, même parmi les afro-descendants, le lien avec les traditions africaines est souvent oublié, voire méconnu. Cela, soulève une question importante d’appropriation culturelle, car ces mouvements sont récupérés par des personnes non averties, souvent dans un but économique, sans reconnaître leur origine historique et leur rôle dans les luttes post-coloniales.

Ironiquement, dans aucune danse occidentale traditionnelle, les hanches et les fesses ne tremblent, ne sautent, ne roulent, ne se secouent dans un but de symboliser des rituels, la fécondité, ou la guérison. Ces mouvements, pourtant si chargés de sens dans les traditions africaines, sont, dans le contexte occidental, soit ignorés, soit dénigrés. En effet, ils sont souvent associés à des stéréotypes de “sauvagerie” ou de “non-civilisation” ou de « Bitch » quand, en réalité, ils représentent des gestes profondément enracinés dans des pratiques de passage, d’intensification des énergies, et de célébration. Ces danses étaient des outils de guérison, des symboles de force et de résilience, mais ont été décontextualisés et réduits à des images hypersexualisées.

C’est un paradoxe fascinant que nous abordons. Ces questions, parmi d’autres, seront abordées lors du Talk du samedi 1er mars à La Rotonde. et je vous invite vivement à venir. Ce sera un moment de déconstruction des stéréotypes, d’ hétéro-normativité, un espace de partage, de transmission, et surtout de célébration de la joie d’être ensemble, dans un espace où chacun·e pourra se libérer des jugements. Venez découvrir l’histoire du Twerk, sa richesse et sa signification profonde, et célébrons ensemble ce qui fait sa beauté et sa force !

FUEGO TWERK ALERT : TALK TWERK & PARTY – LA ROTONDE STALINGRAD – SAMEDI 1ER MARS – 16H – 22H

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